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Perte de chance d’accéder à un grade supérieur : la réparation ne peut être mesurée qu’à la chance perdue

Civil - Responsabilité
Affaires - Assurance
01/07/2022
Dans un arrêt du 16 juin 2022, la Cour de cassation a estimé que la réparation d'une perte de chance ne peut être égale à l'avantage procuré par la réalisation effective de cette chance.
Faits et solution

En l’espèce, une personne a été renversée par une motocyclette assurée auprès de la société GMF. La victime, âgée de 33 ans au moment de l’accident survenu en 2001, était engagée depuis le 1986 au sein de la marine britannique. Réformée pour inaptitude permanente au service naval en raison des séquelles laissées par l'accident, la victime assigne l'assureur pour obtenir, notamment, l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs.

Afin de condamner l’assureur à accorder une indemnisation à la hauteur de 800 000 euros, la cour d’appel considère que la victime devait être intégralement indemnisée de sa perte de gains professionnels futurs. Les juges retiennent, pour conforter la méthode de calcul retenue, qu’en tenant compte de l’évolution de sa carrière, la victime aurait bénéficié d'une promotion en 2009.

La Cour de cassation casse l’arrêt au visa de l’article 1382, devenu 1240, du Code civil et du principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : « en statuant ainsi, alors qu'elle [cour d’appel] constatait que l'octroi d'une promotion en 2009 à M. [X] n'était qu'une hypothèse, ce dont il résultait que l'impossibilité pour lui d'accéder à un grade supérieur ne constituait qu'une perte de chance dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ».

Éléments d’analyse

Parmi les préjudices patrimoniaux permanents subis par la victime directe se trouvent les pertes de gains professionnels futurs : « il s’agit ici d’indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite d’un dommage », selon la nomenclature Dintilhac.

Par la présente solution, la Cour de cassation rappelle que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré la réalisation effective de cette chance. La solution n’est pas nouvelle : dans une espèce concernant également un militaire de carrière, la cour d’appel a pu décider que « l’accession par Monsieur Y au grade de major était au vu du profil de sa carrière, de son ancienneté et de  ses faits d’arme, certaine et non pas seulement hypothétique ; que le revenu de référence actualisé pouvait donc être retenu à hauteur de la solde d’un major, qu’aucun abattement ne pouvait être imputé sur ce montant en raison de la certitude de cette évolution ». S’en suit une cassation : « alors que l’impossibilité pour un militaire du grade de sous-officier d’accéder à un grade supérieur constitue une perte de chance dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cass. 2e civ., 13 janv. 2021, n° 11-11.703).
Il est donc à retenir que même malgré la présence des éléments qui peuvent présager une évolution favorable de la carrière par une promotion, cette dernière ne reste qu’hypothétique et que dès lors son indemnisation ne peut être mesurée qu’à la perte de chance.
 
Source : Actualités du droit